01/04/22

GUERRA NA UCRÂNIA: QUAL O PAPEL DOS ÓRGÃOS DE COMUNICAÇÃO?

UM ARTIGO PARA REFLECTIR

ÉVÉNEMENT TOTAL, CRASH ÉDITORIAL
«Journalistes, animateurs, chroniqueurs, reporters, que ce soit sur le terrain de la guerre ou à Paris, au cœur de l’actualité, tous unis et tous solidaires pour l’Ukraine. » Cette annonce de France Télévisions du 4 mars 2022 résume la médiatisation en France des deux premières semaines de la guerre conduite par la Russie en Ukraine. Il ne s’agit plus d’informer, mais de mobiliser. Face à un conflit international, les médias doivent souvent trancher une alternative : détourner les yeux, comme au Yémen, en Palestine, au Donbass, au Tigré, ou mettre en scène les armées occidentales volant au secours d’un peuple opprimé, comme au Kosovo ou en Irak. Cette fois, les acteurs diffèrent.
Et le spectacle a saisi la société tout entière. Du stade Vélodrome de Marseille à la porte de Brandebourg à Berlin, les monuments arborent les couleurs du drapeau ukrainien, tout comme l’application « TousAntiCovid » (le 25 février) et le survêtement des tennismen français qui affrontent l’Équateur à Pau (4 et 5 mars). Le service de VTC Bolt prévient : « Nous reversons 5 % du montant de vos trajets en soutien à l’Ukraine » (2 mars) ; McDonald’s cesse de vendre des hamburgers place Pouchkine à Moscou ; le Comité international paralympique interdit aux handicapés russes de participer aux Jeux d’hiver de Pékin. À Berlin, le club techno Berghain offre la recette de sa première nuit de réouverture post-Covid « à des organisations qui s’occupent notamment des personnes queer en Ukraine » (Berliner Zeitung, 4 mars) et, à Milan, l’université de Bicocca supprime un cours sur Fiodor Dostoïevski afin d’« éviter toute forme de polémique » (Le Figaro, 9 mars) ; aux États-Unis, Facebook autorise à titre exceptionnel la publication par des usagers est-européens de menaces de mort contre les Russes (Reuters, 10 mars) ; enfin, le Washington Post (3 mars) révèle que « la Fédération internationale des chats bannit les félins russes de toutes les compétitions », jugeant impossible d’« être témoin de ces atrocités et de ne rien faire ».
Ce vibrionisme porte à son paroxysme une mécanique mise en mouvement il y a trente ans, lors de la première guerre du Golfe : celle de l’« événement total ». Elle procède comme une réaction en chaîne. La détonation initiale ? Une nouvelle de grande importance suscite une mobilisation telle qu’elle sort du strict domaine de l’information et gagne l’ensemble des moyens de communication instantanée, des chaînes d’information aux réseaux sociaux. Puis s’emballe lorsque les responsables d’institutions les plus diverses, persuadés à l’instar de la Fédération internationale des chats qu’ils ne peuvent demeurer sans rien faire, rivalisent de déclarations fracassantes.
Comme au moment des attentats de janvier et novembre 2015, comme lors du premier confinement sanitaire en mars-avril 2020, le traitement médiatique de l’invasion russe sort du cadre journalistique habituel. Si l’actualité ordinaire se compartimente en rubriques, l’événement total irradie tout l’espace rédactionnel. À l’image du quotidien Le Monde, dont chacune des « unes » du 26 février au 14 mars porte la mention « édition spéciale », radios et télévisions « bousculent leur grille ». Du bulletin météo qui célèbre les « belles couleurs jaune et bleu » (France Inter, 28 février) à la « soirée de solidarité “Unis pour l’Ukraine” » avec concert exceptionnel et collecte de dons (France Télévisions et Radio France, 8 mars) en passant par la veillée de lectures ukrainiennes de France Culture (4 mars), chaque programme doit sonner comme un éditorial. La distinction entre audiovisuels public et privé, information et spectacle s’estompe : « Les antennes du groupe Altice Media, dont RMC, s’associent au Secours populaire pour un appel aux dons pour aider les populations qui fuient l’Ukraine », annonce, le 2 mars, le conglomérat contrôlé par M. Patrick Drahi.
Concrètement, basculer en « édition spéciale » signifie multiplier les « contenus » dans un temps restreint, et donc garnir les plateaux d’experts. « Je ne veux pas être alarmiste et je n’ai pas d’information, expose la journaliste de L’Express Marion Van Renterghem, mais je trouve que tous les signes sont réunis pour une troisième guerre mondiale » (« C dans l’air », France 5, 6 mars). Déjà malmenées par la pression du chronomètre et de l’audience, les procédures de sélection et de vérification se relâchent. Images et témoignages propres à susciter l’émotion (réfugiés, enfants en pleurs) forment le gros d’une production journalistique à laquelle les intervenants sont appelés à « réagir ».
Sur cette vague de sollicitude — moins dévorante en 1999 et en 2003, lorsque les avions occidentaux bombardaient les populations serbe et irakienne —, certains surfeurs cathodiques exécutent d’improbables figures. Le 1er mars, l’animateur de CNews Pascal Praud propose à ses invités « une séquence émouvante au milieu des drames » qui lui « a mis les larmes aux yeux. Regardez, écoutez » : une petite fille ukrainienne chantonne l’air des Choristes pendant cinquante et une secondes. Après un bref silence, Bernard-Henri Lévy intervient, la voix chargée d’émotion, mais le réflexe de l’autopromotion intact : « Écoutez, ça me met les larmes aux yeux, c’est bouleversant. Et je vous invite, ainsi que ceux qui nous écoutent d’ailleurs, venez tout à l’heure, nous organisons un rassemblement de soutien à cette petite fille… et à ces civils ukrainiens, à Paris au Théâtre Antoine, à 5 heures. » S’y coudoieront un ancien président de la République (M. François Hollande), deux candidates à ce poste (Mmes Valérie Pécresse et Anne Hidalgo), un ancien premier ministre (M. Bernard Cazeneuve), flanqués de journalistes, d’essayistes, d’artistes et, par écrans interposés, d’un ancien directeur de la Central Intelligence Agency (CIA), pour rejouer sur les planches d’un théâtre parisien la pièce du militarisme humanitaire.
Ce mélange des genres illustre un phénomène crucial : en conjoncture de crise, les frontières entre des secteurs sociaux autonomes deviennent soudain plus poreuses ou s’effritent. Politique, diplomatie, entreprises, institutions publiques obéissent habituellement chacune à leur logique, à leur rythme et à leur registre spécifiques. Le souffle d’un événement total tend à les synchroniser sur la même pulsation fondamentale — celle de l’information en continu —, sur le même registre — celui de la réaction à l’emporte-pièce — et sur la même règle de fonctionnement — la surenchère. Or, certains domaines se sont précisément construits contre l’urgence, les gesticulations et les attentes immédiates du grand public. Au printemps 2020, l’événement total du Covid-19 avait aligné sur le tempo médiatico-politique les champs scientifique et médical. La crédibilité des savants n’en était pas sortie grandie. C’est cette fois la diplomatie, autre activité de temps long fondée sur la discrétion et le respect des protocoles, que parasite la course aux déclarations bravaches.
« Nous allons livrer une guerre économique et financière totale à la Russie », déclare le 1er mars le ministre de l’économie Bruno Le Maire, bon connaisseur des usages diplomatiques, puisqu’il conseilla M. Dominique de Villepin au Quai d’Orsay en 2002. « Nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe. » Chapitré par le président de la République, M. Le Maire doit se dédire. Sur BFM TV, le 14 mars, la présentatrice Apolline de Malherbe tente d’arracher une autre sortie de route au ministre des affaires européennes Clément Beaune : « Ils bombardent des maternités et finalement nous, qu’est-ce qu’on fait ? On garde des yachts à quai et on ferme les McDo ? »
Assurément, le caractère primitif de la propagande russe, l’interdiction faite à la presse de nommer la guerre par son nom sous peine de prison et la politique d’élimination physique des journalistes gênants menée par le Kremlin depuis deux décennies offraient aux médias occidentaux l’occasion d’exposer les vertus de leur contre-modèle. Mais l’événement total ne laisse d’espace ni au regard extérieur, ni au pluralisme : les directions éditoriales ont choisi leur camp, au point d’entériner sans protestation l’interdiction de RT et Sputnik. Deux figures imposées jalonnent le parcours du combattant journalistique : invectiver le dirigeant russe, comme si cela pouvait aider les Ukrainiens, et relayer sans vérification la communication de Kiev.
À M. Volodymyr Zelensky, « héros de la liberté », les éditorialistes opposent un « paranoïaque », « avec ce visage rechapé au Botox qui lui donne une fixité inquiétante et cette phobie proprement hitléroïde des microbes et des virus » (Jacques Julliard, Marianne, 3 mars). Même souci de la mesure dans les colonnes de L’Obs : « une anomalie neurologique » et « des modifications du lobe frontal » induiraient chez le président russe un comportement proprement aberrant au regard des critères de santé mentale de l’hebdomadaire : « Poutine aurait tendance à examiner méticuleusement tous les aspects d’un problème, avant de trancher » (3 mars).
« Dans la guerre de l’image et de la communication, le maître du Kremlin, bientôt 70 ans, chauve, boursouflé, ne fait pas le poids face au sémillant président ukrainien, 44 ans », poursuit le magazine fondé par Jean Daniel. Faute de pouvoir peser sur l’issue militaire du conflit, les journalistes célèbrent une victoire qui est un peu la leur : « L’Ukraine domine la guerre informationnelle » (La Croix, 7 mars). Et pour cause : les directions éditoriales ratifient par défaut les annonces des autorités ukrainiennes et manifestent la plus grande indulgence vis-à-vis des fake news disséminées par Kiev. Les défenseurs de l’île des Serpents, morts « héroïquement » selon M. Zelensky, après avoir rétorqué à l’assaillant « navire russe, va te faire foutre » ? Ils « auraient en fait survécu, mais peu importe : ces mots sont devenus un hymne à la résistance contre la Russie », explique La Croix, plein de miséricorde. Cette fausse information fut pourtant maintes fois reprise, y compris dans le Washington Post (25 février), qui paraphrasait les « éléments de langage » du président Zelensky. Le « fantôme de Kiev », ce chevalier du ciel ukrainien qui, le 24 février, aurait abattu à lui seul six chasseurs russes ? Une invention, certes, mais « ce mythique pilote donne tout simplement de l’espoir » à une population « en quête de héros » (L’Express, 25 février).
Un peu esseulée au sein de sa profession, la journaliste de l’AFP Daphné Rousseau mettait en garde, après trois semaines passées sur place : «J’ai entendu des confrères avoir l’impression d’être là pour défendre l’Europe, la liberté, leur famille. Il faut faire attention à ne pas se faire happer par cette stratégie de communication ukrainienne qui est redoutable » (France 5, 13 mars). Peine perdue.
D’ailleurs, avons-nous vraiment le choix ? L’éditorialiste David Brooks (New York Times, 3 mars) a tiré de cette crise la leçon essentielle. Elle rythme déjà la campagne électorale française : « Les universitaires de gauche et de droite ont critiqué le libéralisme. Cette semaine, nous avons une vision plus claire de ce que serait l’alternative. Elle ressemble à Vladimir Poutine. »

3 comentários:

Anónimo disse...

Obrigado pela partilha.

Ash

Ana Cristina Leonardo disse...

Estamos cá para servir - e não apenas bolas-de-berlim :)

Anónimo disse...

Convém diversificar que o trigo está a ficar escasso.
Talvez café?

Abraço,
Ash